Ma-Onko

Huile sur toile, 100 x 75 cm, année 2006

Ma-Onko : L'Illusion Coloniale et Ses Conséquences

 

Marseille, 1880. Un bistrot animé, où les membres de l’équipage d’un navire de colons français se sont réunis pour un dernier repas avant leur grand départ vers le Congo. Parmi eux, le docteur Noël Eugène Ballay, médecin militaire de la marine et négociateur, fait figure de figure centrale. Lors de cette soirée conviviale, un objet capte son attention : une boule de verre colorée, fixée sur une colonne d’escalier, dont les reflets scintillent et dansent dans la lumière. Après le repas, Ballay, discrètement, s'empare de la boule et décide de la prendre avec lui lors de son voyage, embarquant le lendemain à bord du navire en direction du Congo.


 

Quelques jours plus tard, Savorgnan de Brazza, explorateur au service de la France pour la colonisation des territoires africains, rejoint son ami et collaborateur, le Dr Ballay, au Congo, avec son propre équipage. Leur mission : convaincre Illoy Loubath Imumba 1er, dit Ma-Onko (roi des Batéké), de signer

un traité de protectorat avec la France, ratifié par le gouvernement français. Mais, comme toujours, de Brazza sait qu’au-delà des mots et des papiers, ce sont les cadeaux et les symboles qui auront le plus grand pouvoir de persuasion auprès des chefs africains.


 

Pour marquer le coup, de Brazza réunit plusieurs objets de grande valeur, destinés à impressionner le roi des Batéké. Après plusieurs jours de marche, le convoi arrive enfin à Loango, un important carrefour commercial depuis le XIIIe siècle.


 

Le lendemain, Ma-Onko, informé de l’arrivée du convoi, se présente, assis par terre, entouré de ses femmes, dignitaires, gardes et nombreux sujets. De Brazza et son équipe déballent des sculptures, des montres, des bijoux, ainsi que des tissus de velours et de soie. Mais, malgré le luxe des présents, le roi semble indifférent. Puis, il saisit la boule de verre de Marseille, soigneusement fixée au sommet d’une canne en ébène, et déclare : "Voici le présent envoyé par votre roi. Il m’a été remis par le Dr Ballay, c’est un grand homme." L’objet, modeste aux yeux des Européens, semble avoir plus de valeur symbolique que tous les autres cadeaux. Le roi, visiblement touché, accorde ainsi sa faveur à la France. Le traité de protectorat est signé, et c’est ainsi que naquit Brazzaville, la future capitale du Congo français.


 

Ce moment est une métaphore poignante de la déception qui suivra. Le roi Ma-Onko, croyant que cet accord avec la France garantirait des avantages commerciaux et militaires face à ses ennemis, verra bientôt ses espoirs se transformer en amertume. À mesure que les colons s’installeront, la population congolaise subira l’oppression et l’exploitation des richesses de son pays. La promesse d’un avenir meilleur se dissipera sous le poids des abus coloniaux.


 

La boule de verre, objet modeste mais porteur d'une grande valeur symbolique, représente ici l'illusion. Alors que les présents matériels, plus somptueux, sont rejetés, c'est un simple objet, un symbole d'une relation personnelle entre les colonisateurs et le colonisé, qui infléchit le cours des événements. Cependant, cette même boule de verre devient, avec le temps, un symbole de la déception et du prix à payer pour les accords imposés, un miroir des rêves déçus de ceux qui ont cru que la colonisation apporterait prospérité et égalité, alors qu'elle ne fit que poser les fondements de l’exploitation et de la souffrance.

 

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